Paul Loga Mahop, président de la confédération camerounaise de la mode, du textile et de l’habillement.
Ces dernières années, on note un frémissement dans la filière bien-être. Qu’est-ce qui justifie ce dynamisme ?
Avec l’arrivée du covid-19, il y a un repli identitaire vers la culture. Les gens se sont rendus compte que 90% de choses qu’ils allaient chercher à l’extérieur et qui étaient bourrées de produits chimiques, sont disponibles sur place à l’état naturel. Pendant le confinement, il a fallu aux créateurs du bien-être de se développer. Au Cameroun, plusieurs acteurs ont mis sur pied des recettes de grand-mère utilisées depuis des années et plus accessibles. Pendant cette période, les consommateurs préféraient les produits dont ils connaissent l’origine parce qu’ils avaient peur de tout ce qui est contaminé et qui venait de l’extérieur. Le milieu de la cosmétique et du bien-être a été impacté par ce boom. Les artisans ont proposé des produits naturels à des coûts plus bas et adaptés aux peaux des clients. Par ailleurs, les organisations faîtières ont sensibilisé les acteurs pour leur monter qu’à l’intérieur, on peut avoir des opportunités. Et qu’il faut donc se regrouper pour agir. Ce qui justifie qu’on a beaucoup plus une variante des produits du terroir que de l’extérieur.
Que représente l’industrie du bien-être au Cameroun en termes de contribution au PIB national ?
Selon les chiffres disponibles auprès du ministère du Commerce, on perd plus de 180 milliards de F chaque année pour l’importation des produits. Maintenant, pour évaluer l’impact sur le PIB, on sait qu’il y a 20 ans, l’industrie de la cosmétique et du bien-être représentait pratiquement 9 à 11% du PIB. A cette période, on n’avait pas une population aussi élevée qu’aujourd’hui. Si on veut faire un bond vers l’extérieur, on peut être au minimum à 15% du PIB de manière directe. Or, il n’y a pas un foyer qui n’utilise pas ces produits. Imaginez un ratio selon lequel chaque personne utilise seulement 1000 F par mois. Pour 25 millions de Camerounais, les chiffres sont importants. Cependant, nous ne représentons pas grand-chose dans cette industrie, à cause des commandes extérieures.
Pourquoi les importations ont le vent en poupe ?
Les grands pays comme la Chine, le Japon et la Suisse ont bâti leur industrie sur la production par réseaux. Ils se sont appuyés sur les PME, les industries artisanales, les grands labels qui sont des régions, des communautés ou des associations pour faire un groupage général pour vendre. Au Cameroun, quand vous regardez le pourcentage de produits naturels, vous allez remarquer que ce ne sont pas des produits naturels, mais des composés. Le taux n’atteint pas 3%. Maintenant, les ministères sectoriels (Mincommerce, Minepat, Minpmeesa, Minac) devraient mettre sur pied une politique de protectionnisme. Le Mincommerce connaît les organisations professionnelles et la faîtière en activité dans ce segment. Ils devraient mettre autour de la table un comité de suivi et de vigilance pourquoi pas une brigade, comme c’est le cas pour d’autres produits de première nécessité. Cette brigade pourrait accompagner le suivi de ces produits, favoriser la créativité Made in Cameroon et sponsoriser des régions. Il faut mettre en place un cadre légal et accompagner les acteurs avec des incitations et des financements qui leur permettent d’éclore. Quand vous les amenez sur la table, on vous dit qu’ils produisent à peine dix produits. Mais, aux Etats-Unis, au Japon, en Corée du Sud et en Chine, ce sont ces mêmes artisans qui font plus de 10 millions de produits sous un même label. Il y a un mécanisme qui devrait prévaloir : les opérateurs de Tsinga et de Nkomkana (quartiers de Yaoundé, Ndlr) qui fabriquent chacun 10 bouteilles respectant la norme peuvent être mis dans un même label dénommé « Label Ongola ». Quand on va sur le marché, ils ne vendent plus 10 échantillons, mais 20. Les supermarchés qui doivent avoir un rayon du Made in Cameroun sont censés accompagner ces produits locaux faits main, bio et équitable. L’équitabilité et le bio sont sponsorisés par les grandes surfaces pour montrer qu’ils développent l’économie sociale et la créativité.
Qu’est-ce qui est fait pour structurer la filière et la rendre plus compétitive ?
Il y a certaines faîtières qui œuvrent pour donner plus de visibilité aux acteurs. Plus de 300 jeunes ont bénéficié récemment d’une formation dispensée avec le soutien de la GIZ. La coopération allemande a aussi financé une étude qui permet d’avoir une idée des acteurs en présence. De manière formelle, 28 000 leaders d’associations sont opérationnels sur le terrain. Et l’association la plus faible ...
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