Sur la transformation structurelle
« La transformation structurelle implique un accroissement de productivité dans toute l’économie, surtout dans le secteur agricole qui regorge encore la majorité des ressources humaines dans nos pays, mais qui travaillent à un niveau de productivité tellement bas que 82% des pauvres en Afrique vivent de l’agriculture de subsistance. Donc, l’agriculture en fait, tel que pratiqué aujourd’hui est plutôt un vivier de pauvreté. Il faut absolument accélérer la productivité dans l’agriculture, pour pouvoir permettre à ceux qui y restent, d’élever leur niveau de revenus, d’échapper à la pauvreté, mais aussi et surtout, de permettre un mouvement de revenus de l’agriculture vers d’autres secteurs de l’économie comme le manufacturier ou les services à haut rendement ».
Sur l’industrialisation
« L’industrialisation n’est pas une panacée, mais elle peut conduire à une transformation structurelle dans un certain nombre de pays et encore, si on arrive à garder un bon cadre macro-économique stable c’est-à-dire, une économie à faible inflation, avec des déficits budgétaires et du compte courant réduits, un taux de change stable et compétitif, une infrastructure qui permette au secteur privé de s’établir et d’augmenter l’investissement privé. Beaucoup d’économistes ont écrit ces derniers temps pour dire que l’Afrique n’avait plus aucune chance de s’industrialiser, que le continent perdait son industrie et qu’il valait mieux contourner le manufacturier pour se concentrer sur les services. Ce que ce livre montre, c’est qu’en fait, bien qu’il y ait des services qui puissent tirer la croissance et la transformation structurelle, le manufacturier reste une des pistes les plus importantes, pour certains pays, comme l’Ethiopie. De plus, l’emploi créé par le secteur manufacturier est extrêmement important. Mais cet emploi est surtout créé par les jeunes et petites entreprises. En termes de politique de soutien au secteur privé, il est important que les pays mettent l’accent sur la promotion des entreprises nouvelles, tout en soutenant l’entrepreneuriat jeunes. L’industrialisation n’est possible dans les conditions actuelles, que si on la voit sous l’angle de l’intégration dans les chaines de valeurs globales. C’est important, lorsqu’on s’engage dans le processus d’industrialisation, de penser au segment de la chaîne des valeurs qui est le plus rentable pour nos pays, celui pour lequel on a un avantage comparatif. Le dernier résultat, c’est le capital humain, la nécessité de la formation (académique et professionnelle) qui doit avoir lieu à l’intérieur des entreprises ».
Sur l’accès au marché mondial
« Il y a trois chiffres qui nous ont perturbé. L’Afrique contribue pour seulement 3% au commerce mondial depuis plus de 60 ans, en dépit de tous les efforts et de l’augmentation de la production. Ce qui veut dire que la valeur de nos exportations est restée faible, même si elles augmentent en volume. L’Afrique ne représente que 2% des exportations mondiales et 1% des exportations de produits manufacturés. En fait, l’Afrique, lorsqu’elle participe au commerce mondial, elle importe tout ce qui a de la valeur et exporte ce qui a très peu de valeur. Voilà pourquoi nous avons nos déficits des balances commerciales, nous avons le fait que le commerce international finalement, ne nous sert pas et la pauvreté ne recule pas suffisamment. En Afrique subsaharienne dans son ensemble, on a encore un taux de pauvreté de 40% en moyenne, qui est extrêmement élevé. Comparé aux pays d’Asie du sud-est qui sont arrivés à l’indépendance au même moment que l’Afrique, certains ont complètement éradiqué la pauvreté ».
Sur la politique commerciale des pays
« La politique commerciale des pays africains doit changer, évoluer et prendre en compte les changements de l’environnement du commerce international. Ces changements incluent des chocs exogènes comme le covid-19 qui ont occasionné un arrêt brutal dans les chaînes de valeurs logistiques. Des chocs comme la montée du protectionnisme dans les marchés traditionnels, aux Etats-Unis, dans certains pays d’Europe et même en Asie sur l’accès de nos produits. Il y a des défis qui arrivent. Il y a la quatrième révolution industrielle qui arrive et qui, pour certains pays, amène à une déstabilisation du tissu productif et à une relocalisation de certaines industries qui auraient pu s’implanter en Afrique. Nous proposons un changement d’approche dans la politique commerciale des pays ».
Sur les accords commerciaux
« Une réévaluation des accords commerciaux que l’Afrique a signés avec les différents partenaires est nécessaire, afin de s’assurer qu’ils s’alignent avec les objectifs actuels des pays africains qui sont la transformation économique et l’industrialisation, la création d’emploi pour la jeunesse et les populations. Lorsque nous les évaluons, les réponses sont assez mitigées car très peu de pays bénéficient pleinement de ces accords commerciaux. Certains ossifient la structure économique africaine en termes d’exporter les matières premières et importer les produits transformés. Nous étudions en détail l’accès au marché américain à travers l’AGOA. Beaucoup de pays africains n’arrivent pas à remplir leur quota d’exportation vers les Etats-Unis. La raison principale étant le manque de structure de production et de capacités productives. AGOA est plutôt utilisé pour continuer à exporter du pétrole qui est un produit qui ne génère pas beaucoup d’emplois ».
Sur la conquête du marché asiatique
« Les pays africains doivent se positionner stratégiquement pour capturer le marché émergent d’Asie dont la contribution au commerce mondial a dépassé celle de l’Europe et des Etats-Unis dès les années 2010. C’est important que les pays africains anticipent sur cette évolution pour pouvoir négocier l’accès à ce marché qui n’est pas donné sur un plateau. Si on ne négocie pas cet accès et si on y va en rang dispersés, nous risquons de transformer la zone de libre échange continentale (Zlecaf) qu’on a créé, juste en un grand marché pour importer les produits manufacturés asiatiques. La dernière suggestion que nous faisons, c’est de saisir l’opportunité de la Zlecaf, pour s’assurer qu’on développe des chaînes de valeur régionales qui peuvent être un tremplin vers le marché international. Plus encore, en intensifiant le commerce intra-africain...
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