Dr. Baba WAME, enseignant de journalisme numérique.

Des données récemment publiées par l’Agence des TIC montrent que la cybercriminalité a fait perdre plus de 12 milliards de F à l’économie camerounaise en 2021. Comment comprendre l’ampleur de ce phénomène ?

Le développement de l’espace numérique et la digitalisation s’accompagnent de risques toujours plus complexes. Mais globalement, trois faits majeurs peuvent expliquer la croissance exponentielle de la cybercriminalité en 2021. Il y a, tout d’abord, la crise sanitaire mondiale qui a poussé les entreprises à développer parfois à l’extrême le télétravail. La sécurisation des serveurs d’entreprises, désormais accessibles via le cloud, sont des facteurs de risques accrus pour chaque entreprise. Il y a ensuite le déploiement de technologies émergentes telles que le Machine Learning, l’intelligence artificielle et la 5G, qui a permis une sophistication des attaques cybernétiques. Elles sont de plus en plus performantes, et évoluent au même rythme que les environnements informatiques les plus puissants. En 2021, la durée moyenne des attaques se situe entre deux et quatre minutes : ce qui nécessite une extrême rapidité de réaction pour contourner la tentative de fraude. Et enfin, l’appât du gain. On peut gagner gros, tout en minimisant les risques. En prenant pour référence le produit intérieur brut, le fameux PIB, la cybercriminalité serait la troisième puissance économique mondiale, après les États-Unis et la Chine. Le coût des attaques numériques est plus élevé que le tribut infligé par le changement climatique à l’ensemble de la planète sur une année. La cybercriminalité est aussi déjà plus rentable que l’ensemble du trafic mondial de toutes les drogues réunies.

En 2022, quels sont les visages de la cybercriminalité ?

Du fait de l’émergence des technologies de plus en plus sophistiquées, il faut s’attendre en 2022 à une recrudescence du phishing, à l’utilisation de ransomwares mais surtout à une multiplication des attaques supply chain. Le phishing est une technique de fraude dans laquelle les cybercriminels se font passer pour un tiers de confiance qui peut être une banque ou une administration, afin d’obtenir des renseignements sensibles tels que les noms d’utilisateurs, mots de passe ou détails de cartes de crédit. Une seconde technique qui continuera de faire florès en 2022 est l’utilisation de ransomwares. Ici, les cybercriminels parviennent à chiffrer fichiers et dossiers, et donc à voler les données les plus sensibles, pour ensuite menacer de les publier sur Internet si la rançon n’est pas payée. La forme de cybercriminalité qui va connaître nécessairement un essor est le supply chain, autrement dit les attaques sur les chaînes logicielles. Elles sont un terrible maillon faible dans l’écosystème informatique. La chaîne logicielle fournit aux pirates un incroyable effet multiplicateur car elle est difficile à sécuriser de bout en bout. En 2021, le nombre de ce type d’attaques a augmenté de 650 %. Il est très peu probable que le problème soit résolu en 2022.

On parle davantage du coût de la cybercriminalité. Quid du coût de la cyber sécurité ?

Votre question est très pertinente, car pour faire face à la cybercriminalité, les entreprises doivent investir dans la sécurité. Il est question ici d’un investissement pérenne, car il faut s’adapter à l’évolution constante des menaces pour y faire face. Plus la défense est solide, plus l’organisation sera alors en mesure de repousser les cybermenaces. Les cyberattaques peuvent être particulièrement nuisibles à l’activité d’une entreprise. Il est donc important de prendre en compte ce risque, par la protection et par la prise en charge dans des polices d’assurance spécifiques. La cybersécurité, c’est avant tout l’existence de bonnes pratiques. Par exemple, éviter d’avoir des failles dans le réseau. Pour s’en prémunir, il est néc...