Olivier Djaba, expert en Finance/banque, enseignant d’université associé programme MAIN-UCAC.
Quelle appréciation faitesvous de la dynamique observée dans le secteur financier camerounais ?
Malgré un contexte défavorable du fait de la pandémie de covid-19, le secteur financier a été dynamique. Au niveau du secteur bancaire au 31 décembre 2021, le volume des dépôts était de 6 233 milliards de F contre 5 378,6 milliards de F en 2020 et le volume des crédits était de 4 312,3 milliards de F contre 3 908,8 milliards de F en 2020. Au 31 mars 2022, nous constatons une tendance haussière avec un volume des dépôts de 6 366,9 milliards de F et un volume de crédit de 4 333,2 milliards de F. Les villes de Douala et de Yaoundé représentent 90% du marché bancaire. La ville de Douala, c’est 60% du volume des crédits et 50% du volume des dépôts. Des dizaines d’agences bancaires ont été inaugurées depuis 2021. En 2022, deux filiales bancaires ont ouvert leurs portes dans notre pays. Ce qui porte le nombre d’établissements de crédit à 17. Des institutions financières internationales ont accordé des financements directs et indirects au secteur privé. C’est le cas de la BEI qui a octroyé des lignes de financement en faveur des PME de 17,7 milliards de F à deux banques locales. C’est aussi le cas de la SFI qui vient d’accorder un financement de 32,8 milliards de F à une entreprise locale. AFREXIMBANK a ouvert officiellement son bureau régional pour l’Afrique centrale à Yaoundé le 24 septembre 2021. Le processus de restructuration et de recapitalisation de UBC et NFC Bank a été finalisé. La filiale d’une banque européenne est dans un processus de vente qui devrait s’achever en fin d’année 2022. A cause de la pandémie, la digitalisation a pris de l’ampleur avec la mise à disposition des nouvelles solutions : application de banque électronique dans les différentes banques, interopérabilité intégrale avec GIMAC PAY, Bank to wallet, paiement sans contact, etc. Parallèlement, nous enregistrons une augmentation des guichets automatiques de billets et points marchands. Dans le secteur des paiements, une filiale d’un opérateur de télécommunications vient de se faire notifier son agrément comme établissement de paiement.
Quid du secteur de l’assurance et de la bourse ?
Sur le marché des assurances, au 31 décembre 2020, 211,43 milliards de chiffre d’affaires en hausse de 1,15% due à la branche-vie. Le taux de pénétration est de 3% auprès des populations. Ce secteur va enregistrer une fusion de deux groupes avec un impact projeté de 32% des parts de marché dans la branche vie et 14,32% dans la branche dommages. Quelques fintech (assurtech) opèrent déjà dans ce secteur. Ce qui va améliorer le taux de pénétration de l’assurance. Au niveau de la Bourse, plusieurs faits marquants ont été enregistrés : l’installation d’un nouveau directeur général qui cumule une longue expérience dans les activités boursières, l’émission de plusieurs emprunts obligataires depuis l’année dernière : Congo (100 milliards de F), Gabon (100 milliards de F), Cameroun (200 milliards de F), BDEAC (100 milliards de F), l’octroi des agréments à plusieurs sociétés de bourse et de gestion de portefeuille. De plus, un EMF a pu lever plus de 2,5 milliards de F au moyen d’un appel public de l’épargne en vue de renforcer ses fonds propres et solliciter un agrément d’établissement de crédit. Le comité ministériel de l’Union monétaire d’Afrique centrale (UMAC) vient d’adopter le règlement portant organisation et fonctionnement du marché financier. L’on annonce l’ouverture du capital de la BVMAC à de nouveaux actionnaires.
Pensez-vous que l’infrastructure financière actuelle puisse aider le Cameroun à atteindre ses objectifs de croissance et de développement ? Si oui pourquoi ? Si non, que faut-il faire ?
L’infrastructure financière actuelle constitue une bonne base pour aider le Cameroun à atteindre ses objectifs. Elle peut être améliorée sur plusieurs plans : mise en place de nouveaux véhicules d’investissement pour le financement des grands projets d’infrastructures ou des industries lourdes (production des engrais, …) à travers la SNI par exemple, introduction de certaines entreprises publiques en bourse, développement d’une culture de transparence financière auprès des entreprises locales pour mobiliser les ressources à long terme via la Bourse, mise en place des incitations fiscales auprès des salariés pour favoriser l’épargne longue (par exemple, l’exonération de l’IRPP pour le plan d‘épargne à plus de cinq ans), mise en place d’une règlementation sur le crowdfunding, développement de la finance agricole, promotion des instruments de financement alternatif (affacturage, crédit-bail, …), développement des nouvelles activités financière (finance islamique, finance verte, …), sensibilisation de la population à l’éducation financière, un partenariat accru entre les banques/EMF et les fintech en vue d’une anticipation sur l’avancée des NTIC dans le secteur financier (Big Data, Open banking, technologie de block-chain, …). On peut aussi renforcer un environnement favorable à la réduction de l’asymétrie de l’information (mise en place des Bureaux d’Information sur le Crédit, …), procéder à la défiscalisation des opérations en rapport avec la micro-assurance, etc, …
Dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine et de ses impacts, notamment sur la sécurité alimentaire, il est vraiment important que le volume de financement au secteur agricole augmente de manière significative. En Afrique, le secteur agricole représente 23% du PIB, 55% des emplois et moins de 5% des prêts accordés. Pourtant, notre continent concentre 60% des terres arables. Il est plus qu’important que les banques s’impliquent fortement dans le financement des projets en rapport avec la souveraineté alimentaire. Cette implication a besoin d’être soutenue par la mise en place des mesures suivantes : la structuration des chaines de valeurs agricoles autour des principales spéculations, la réglementation sur le récépissé d’entreposage (warrantage), la mise en place de la Bourse des matières premières agricoles, la digitalisation des achats des produits bord champs pour réduire la manipulation des espèces, le développement de l’assurance agricole, … Sur le terrain, nous avons le cas d’un établissement de microfinance qui a réussi à structurer et financer une chaine de valeurs autour du soja dans la partie septentrionale avec des résultats prometteurs.
Dans le secteur bancaire, deux nouveaux acteurs viennent de rejoindre le marché local. Pensez-vous que la dynamique va se poursuivre et permettre au Cameroun de compter au moins 30 banques d&rsquo...
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