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Réforme des finances publiques : du nécessaire ajustement

Ingénieur statisticien économiste, consultant en macro-économie. Il a exercé durant 12 ans comme che

S’il veut garder le cap de l’émergence projetée en 2035, le Cameroun doit réaliser une croissance moyenne de 8,1% entre 2020 et 2030, ce qui exige une augmentation massive des investissements (en moyenne annuelle 1,5% du produit intérieur brut). Un tel effort constitue un fardeau écrasant. De peur d’un risque élevé de surendettement et en application d’une recommandation de la troisième Conférence internationale sur le financement de 2015, le gouvernement a pris conscience que la mobilisation des recettes budgétaires internes est décisive pour assurer le progrès économique. Pour l’accompagner vers cette horizon, le Cameroun a conclu un programme économique et financier triennal (2021-2024). Quelques orientations de ce programme peuvent davantage éloigner le pays de cet objectif ambitieux. Il s’agit, sans être exhaustif, de l’obsession pour la réduction du déficit budgétaire (à 1,08% du PIB en moyenne sur la période 2023-2027), des axes privilégiés de la politique fiscale et le ciblage de l’ajustement budgétaire à la place du suivi du solde des transactions courantes pour poser son diagnostic sur l’économie. En attendant revenir sur la troisième orientation ultérieurement, ce papier aborde l’obstination à réduire le déficit budgétaire (politique d’austérité) et l’adoption des mesures fiscales contreproductives (cas de l’abrogation de l’allègement fiscal en faveur des entreprises sans une évaluation sérieuse) ou visant l’élargissement de l’assiette aux pauvres (taxe sur le secteur de transport) mais qui font peu cas des grandes problématiques de l’heure. Pour comprendre notre embarras, nous aimerions relever que l’économie est devenue très complexe et met au défi en permanence nos instruments de mesure et nos interprétations. L’étude de l’économie doit être soumise à des règles de vérification et structurée par des pratiques d’argumentation. Or, la pensée économique dominante offre des grilles de lecture inadaptées face à la complexité des problèmes de nos pays.

Sur la hantise du déficit budgétaire

S’agissant de la réduction du déficit budgétaire, les prescriptions du Fonds monétaire international (FMI) s’inspirent largement du théorème de Trygve Haavelmo, qui a obtenu le Prix Nobel d’économie en 1989, en plein dans le libéralisme triomphant. Ce théorème stipule qu’en présence d’un budget équilibré (déficit nul ou faible), une augmentation de la dépense publique et des recettes budgétaires dans les mêmes proportions se traduit par un accroissement du même montant du revenu national. Cet effet multiplicateur n’est cependant possible que sous certaines hypothèses strictes, aujourd’hui peu réalistes (fermeture des économies, niveau d’investissement constant, propension marginale à consommer constante). Même s’il donne une relative stabilité économique à notre pays, les conséquences de cette réduction du déficit sont désastreuses. Ne tenir compte que de la parole du « prophète », c’est de l’intégrisme économique. La plupart des économistes estime que la hausse des dépenses gouvernementales ont permis d’éviter de grandes dépressions. Une croissance plus rapide et les retours sur les investissements publics rapportent plus de revenus fiscaux et des retours de 5 à 6 % suffisent largement à compenser une augmentation temporaire de la dette nationale. De nombreux économistes conviennent que la taille appropriée d’un déficit dépend en partie de l’état de l’économie. Une économie comme la nôtre requiert un déficit plus lourd (supérieur à 2,5% du PIB1 ). Entre parenthèses, l’Ethiopie, pays africain modèle en matière de croissance (8,5% en moyenne) sur la période 2014-2021, enregistre en moyenne un déficit budgétaire supérieur à 2,5% du PIB. Au fur et à mesure de la reprise économique, le gouvernement devrait par la suite, envisager une hausse des taxes et une diminution des dépenses. Au Cameroun, la situation est claire : cela ne vaut pas le coup de prendre le risque de réduire les dépenses publiques. Toutefois, les déficits pour financer des guerres ou des dépenses improductives entraînent des dettes sans aucun actif correspondant. En revanche, des investissements publics peuvent améliorer le bien-être des générations futures. Au total, les programmes économiques et financiers appuyés par les ressources du FMI se veulent une réponse à la crise de la dette. Par ces plans, il est demandé à nos pays d’»internaliser» leurs ajustements (par des mesures d’austérité), au lieu de prendre des mesures qui affecteraient le reste du monde (faire appel à l’épargne extérieure pour financer leurs investissements même productifs); une position qui ne résiste pas à l’épreuve des faits ou à une analyse autrement plus sérieuse. Il faut donc tordre le cou aux idées reçues. Des taxes bien conçues imposées au secteur financier pourraient contribuer à alléger les problèmes causés par des ratios d’endettement excessifs. Taxer les activités spéculatives pourrait encourager les banques à mieux se concentrer sur leur rôle clef : financer efficacement l’économie réelle.

Sur l’évasion fiscale et les flux financiers illicites

Le recouvrement des impôts contribue actuellement à moins de 13 % à la richesse nationale. C’est à peine suffisant pour permettre au gouvernement d’assurer les fonctions les plus essentielles de l’État. Et en risquant de freiner la croissance, un alourdissement des taux de prélèvement serait contreproductif et les mesures édictées dans le cadre du programme économique conclu avec le FMI ne l’aide pas beaucoup. Il existe au moins quatre leviers plus judicieux pour augmenter les recettes fiscales de manière viable. Si les administrations d’assiette camerounaises ont réalisé des progrès en privilégiant la simplicité et en prenant le virage du numérique, des efforts importants restent à fournir pour installer la confiance et apporter la preuve de l’efficacité de l’action publique et trouver de nouvelles sources de revenus. Sur ce dernier point, il est à relever que les impôts fonciers et la taxe carbone sont de sources possibles de recettes fiscales supplémentaires dans notre pays. Bien plus, l’OCDE2 estime que 100 à 600 milliards de dollars échappent à l’impôt, partout dans le monde, à la faveur de formes légales de fraude et d’évasion fiscales. Certes, dans la circulaire sur la préparation du budget 2018, la Direction générale des Impôts envisageait le renforcement de dispositif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et l’opérationnalisation effective d’une unité dédiée au contrôle des prix de transfert. Nous estimons que...

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