La stratégie nationale de développement 2020-2030 est bâtie autour de la transformation structurelle de l’économie camerounaise. Sa réalisation passe, entre autres, par la politique de l’import-substitution, qui vise le remplacement progressif des biens importés par les produits de l’industrie locale, la réduction des volumes d’importation des produits de grande consommation et la priorité accordée au développement de la production locale.
Une politique appropriée, aux objectifs ambitieux
Par cette orientation, le Cameroun entend mieux produire, créer le maximum de valeur ajoutée locale, élargir et diversifier le tissu économique, pour réduire le déficit de la balance commerciale et améliorer le bien-être des populations. Le Cameroun aspire ainsi à faire partie du monde des leaders, qui ne laisse la moindre place aux Etats inefficaces, noyés dans le cercle vicieux d’exportation des produits non élaborés à bas prix, d’importation des produits à forte valeur ajoutée et chers, d’importation de la pauvreté et d’exportation des richesses.
Revue des choix effectués et de leur mise en œuvre
Dans ce papier, nous entendons interroger les performances du Cameroun en termes de production et d’exportation, mais aussi de réduction des importations, pour suggérer quelques ajustements. Loin de vouloir proposer des recettes toutes faites sur les instruments de politique, notre seule ambition est de passer en revue les choix effectués et d’inciter les différents acteurs à se concerter pour créer des instruments qui répondent le mieux aux besoins du Cameroun. L’argumentation que nous comptons développer s’appuie à la fois sur la littérature économique et sur les données statistiques, convaincu que sans statistiques, il n’y a pas de visibilité, sans visibilité, on ne peut nullement hiérarchiser les priorités. Une politique économique basée sur des faits a des ingrédients nécessaires pour faire avancer la société. Pour mettre en œuvre la politique d’import-substitution, le gouvernement avait élaboré en juillet 2020 un plan de soutien (de 183 milliards) à la production et à la transformation des produits de grande consommation pour la période 2021-2023, avec pour principaux produits cibles : le riz, le maïs, le mil/sorgho, le soja, le blé, le poisson et le lait. Depuis l’année 2021, les dotations budgétaires des principaux ministères de production ont été revues à la hausse. Ces efforts se sont poursuivis en 2022 avec d’importantes subventions accordées à certaines structures étatiques. Les objectifs du plan de soutien en 2023 en termes de volume de production comprenaient, entre autres, la collecte de 252 000 tonnes de lait, la production de 420 000 tonnes de maïs, de 407 000 tonnes de riz et de 242 520 tonnes de poissons. Pour 2024, les objectifs sont moins ambitieux qu’en 2023. Parallèlement, le gouvernement a pris des mesures incitatives et/ou compensatrices qui accordent des facilités fiscales et douanières aux acteurs.
Pour le triennat 2021-2023, les résultats n’ont pas suivis
Les premiers résultats obtenus sont mitigés. Les estimations du ministère en charge de l’agriculture révèlent, qu’à l’exception du mil/sorgho, la production des céréales ciblées a augmenté en 2021 et baissé en 2022. Cette baisse globale de la production de 2022 est imputable aux difficultés d’acquisition des intrants (coût élevé des engrais, des pesticides et des semences améliorées) et des mauvaises conditions climatiques. Les chiffres du ministère en charge de l’élevage et des pêches indiquent que la production laitière est sur une tendance baissière sur la période 2020-2022 ; celle de poisson ne s’est guère substantiellement amélioré. Si en 2024, les deux ministères prévoient une légère hausse de la production de riz, de lait et de poissons, par contre la production de maïs et de mil/sorgho sera inférieure au niveau de 2022. S’agissant des exportations, le poids des produits ayant subi une première transformation s’est réduit, passant de 29,4% en 2020 à 21,1% en 2022. Toutefois, le poids de ces exportations sur le total des exportations hors gaz et pétrole brut se redressent passant de 51,9% en 2021 à 55,1% en 2022 et 57,9% sur les neufs premiers mois de 2023. Sur le volet importations, l’évolution la plus inquiétante est l’importation du carburant et lubrifiant, 4e produit à l’exportation en 2015. Le Cameroun demeure certes importateur net de carburants et lubrifiants bien avant l’incendie de la Sonara en 2019 ; depuis lors, la situation est devenue très préoccupante : la balance-produit est passée d’un déficit de 57,2 milliards de FCFA en 2016 à 1 031,9 milliards de FCFA en 2022. Par ailleurs, hormis le lait, les quantités importées de riz, de maïs, de poissons, de soja et de blé ont augmenté de 2020 à 2022 et en glissement annuel sur les neuf premiers mois de 2023. A l’analyse, cette sortie de devises, non seulement creuse davantage le déficit de la balance commerciale, mais surtout, est révélatrice de ce que les Camerounais, pourtant confrontés aux affres du chômage, contribuent à la création des emplois dans les pays d’où par exemple le riz est produit. Il vient évidemment que sur le difficile chemin conduisant vers l’émergence, la modernisation de l’agriculture est un passage obligé pour le Cameroun. Il faut lever les obstacles qui plombent par exemple les filières agricoles ciblées, au niveau de la production et de la transformation. Pour mémoire, le développement de l’agriculture a joué un rôle majeur dans la modification et l’amélioration des structurations des économies des pays avancés.
Changer de cap : une nécessité absolue
Au regard des résultats obtenus sur la période 2021-2023, l’heure est au plus grand pragmatisme, impliquant la recherche de solutions originales et novatrices, inspirées par le seul souci d’apporter une réponse satisfaisante aux attentes des populations. La concrétisation de ces objectifs nécessite l’approfondissement de l’élan réformateur dans tous les secteurs, l’encouragement de l’esprit d’initiative, l’amélioration du climat des affaires, etc. Il y a lieu de reformuler une politique industrielle qui mette fin au choix inapproprié. Cette politique serait basée sur une substitution aux importations porteuses de toutes les promesses de l’urgente industrialisation du Cameroun. En général, la réussite d’une politique de substitution aux importations passe par la prise de conscience que l’on ne peut pas être bon partout. Il faut savoir se concentrer sur quelques priorités, renforcer nos points forts, plutôt que de courir après tous les lièvres à la fois. Il faut surtout éviter d’adopter une politique industrielle défiant les avantages comparatifs. Réhabiliter la Sonara est l’une des mesures de politique industrielle qui tien...
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