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Programme économique et financier : plaidoyer pour un changement de méthode

Emmanuel YANGAM - Ingénieur statisticien économiste, consultant en macro-économie. Il a exercé duran

La première mission du Fonds monétaire international (FMI) est d’aider les pays confrontés à une crise de la balance des paiements (BP). Leurs gouvernements n’ont d’autre choix que d’emprunter au Fonds. Pour veiller à ce que ses actionnaires rentrent dans leurs fonds, le FMI doit exiger des ajustements douloureux à ses emprunteurs. Le problème est l’uniformisation de ses conditions de prêt. Quand l’origine d’une crise tient à des questions structurelles, trivialement, le FMI devrait exiger des changements structurels en échange de son aide et non simplement se focaliser sur l’ajustement budgétaire qui s’appuie sur le tableau des opérations financières de l’Etat (posant ainsi un diagnostic partiel sur l’économie). Pour ne plus créer de confusion inutile, le FMI devrait prendre pour support, dans le futur, l’évolution des composantes de la balance des paiements (la crainte première est celle du déséquilibre extérieur). En effet, la BP permet d’évaluer l’insertion du Cameroun dans son environnement extérieur, d’identifier l’apparition des déséquilibres, de comprendre comment ces déséquilibres sont financés ou au contraire placés auprès du reste du monde. L’utilité des résultats de la balance des paiements vient de ce qu’il est possible d’en déduire un diagnostic presque complet, sur les faiblesses structurelles dont souffrent l’économie et les entreprises. Si un pays présente un déficit persistant du compte courant (c’est-à-dire importe plus qu’il n’exporte), c’est un indicateur d’une faible compétitivité, mais aussi que la demande intérieure absorbe presque toute la production et n’en laisse pas assez à l’exportation. Une analyse de la BP permet de poser le diagnostic sur l’attractivité du pays. Le déficit du solde des transactions courantes révèle aussi que le pays vit « au-dessus de ses moyens ». La persistance de ce déficit entraîne l’accumulation d’un endettement extérieur. En rappel, un pays candidat au programme économique appuyé par les ressources du FMI est celui qui présente un déficit chronique de son compte courant. Ce programme se veut en principe une réponse à la crise de la dette. Par ce programme, il est demandé aux pays d’« internaliser» leurs ajustements (par des mesures d’austérité), au lieu de prendre des mesures qui affecteraient le reste du monde ; une position qui ne résiste pas à l’épreuve des faits pour deux raisons au moins. Premièrement, par le solde des transactions courantes, la BP permet de mesurer l’écart entre l’épargne et l’investissement (solde budgétaire de l’Etat+ solde des opérateurs privés). En optant pour l’ajustement budgétaire, le FMI fait l’hypothèse simpliste que le déficit budgétaire est la cause principale du creusement du déficit du solde courant. Or, l’analyse des résultats de la BP du Cameroun sur la période 1999-2010, révèle plutôt que le déficit du compte courant s’explique par le privé (faiblesse de l’épargne privée au regard du poids des investissements). Les afflux de capitaux représentent un accroissement de la dette du Cameroun envers les étrangers et, dans la mesure où elle servirait simplement à financer la consommation actuelle ou l’importation des produits alimentaires, cette dette risque d’imposer un fardeau lourd aux générations futures. En revanche, les emprunts extérieurs orientés vers le renforcement de l’offre agrégée (investissements dans les infrastructures économiques notamment la construction des routes et des hôpitaux ; amélioration des services ; équipement des lycées techniques -ferment de l’innovation et de la créativité-en matériels didactiques performants, etc.) peuvent rapporter dans l’avenir des avantages supérieurs aux paiements d’intérêts qui s’y rattachent. Par conséquent, c’est dans une large mesure la façon dont les fonds empruntés seront dépensés qui déterminera si la structure actuelle de la balance des paiements fera retomber un fardeau net sur les générations futures. Au lieu de mettre en œuvre des réformes pour augmenter l’épargne longue au Cameroun ou pour accroitre des investissements propices à la croissance, on cible la réduction des dépenses publiques qui influence négativement l’attractivité du Cameroun et par la suite, la croissance économique. Pour reprendre un économiste camerounais « les modèles, c’est comme tous les remèdes, mal utilisés, ils deviennent des poisons».

Du bon usage de la balance des paiements

Deuxièmement, le FMI devrait plutôt exercer son autorité pour avertir des risques que peut engendrer la politique des grands pays. En effet, si les grands pays dont la devise est utilisée un peu partout ont besoin de davantage de ressources, il leur suffit de faire tourner la planche à billets. La discipline de marché s’applique donc moins à eux, de même que celle du FMI, puisqu’ils n’ont pas besoin de s’adresser à lui pour emprunter. Bien plus, la débâcle des prêts immobiliers à risque de 2007 est une preuve supplémentaire que la politique des grandes puissances peut mettre le système financier international en danger. On avait pas beaucoup entendu du Fonds, qui ne voulait sans doute pas s’en prendre à la main qui le nourrit. Il ne parle jamais haut et fort lorsque le déficit courant américain atteint une envergure dangereuse. Le corollaire de la non référence à la BP pour formuler les mesures de politique économique, c’est ce que le FMI met entre parenthèses les réformes microéconomiques et institutionnelles, pour se focaliser sur les mesures plus portées à panser les conséquences que les causes des déséquilibres observés. On n’a pas connaissance des mesures structurelles pour améliorer notre outil de production et conforter notre autosuffisance alimentaire. Le FMI s’occupe peu des causes principales de la fragilité du pays qui réside dans la faible productivité de l’économie, le nombre insuffisant d’entreprises moyennes innovantes et aptes à exporter de façon régulière, une très faible proportion d’exportateurs et une expertise insuffisante dans des secteurs pointus, etc. La croissance potentielle du Cameroun est limitée par la capacité des infrastructures existantes. Toutefois, la poursuite du développement des infrastructures a une incidence directe sur les besoins de financement de l’Etat. A bien y regarder, le vrai questionnement concerne implicitement l’impact économique réel des différents projets conduits au Cameroun et plus globalement, l’efficacité et l’efficience de l’allocation des ressources publiques. Les décisions en matière de dépenses publiques, par exemple, sont particulièrement difficiles à prendre. Les pouvoirs publics souffrent d’un déficit d’informations fiables en matière de dépenses publiques. Cela tient à la nature des biens et services alloués, mais aussi à un défaut d’analyse de l’évolution des indicateurs macroéconomiques. Il vient tout naturellement que les techniciens nationaux ont une grande part de responsabilité dans l’échec d’un programme appuyé par les ressources du FMI. Bien plus, il faut toujours interroger les responsabilités de la partie nationale dans les échecs des stratégies de développement du pays. L’équipe chargée de suivre ce programme ou les stratégies nationales devrait être constituée des hommes et femmes à l’expertise avérée en matière de conduite des réformes économiques. La permanence du déficit de la balance des services du Cameroun est le reflet d’une part, du recours à certaines spécialités dont la disponibilité de la main d’œuvre locale est quasi nulle, et d’autre part, celui des effets des contrats d’assistance technique entre les entreprises résidentes, filiales des firmes multinationales. Le gouvernement pourrait recourir le plus souvent aux compétences de la diaspora ...

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